- Un modèle numérique montre pour la première fois que la pêche et le climat sont tous deux responsables de l’effondrement des stocks de morue en mer du Nord.
La prise en considération conjointe de ces deux facteurs est primordiale pour exploiter durablement les stocks de poisson.
En utilisant un nouveau modèle numérique, une équipe internationale conduite par des chercheurs du Laboratoire d’océanologie et de géosciences (CNRS/Université de Lille/Université du Littoral Côte d’Opale) montre comment la pêche et le climat affectent les stocks de morue en mer du Nord. Leur étude indique que l’influence climatique a considérablement augmenté et que cette tendance devrait se poursuivre. Publiés dans Nature Communications Biology le 9 novembre 2022, ces résultats suggèrent qu’un ajustement dynamique des quotas de pêche en fonction du climat retarderait l’effondrement des stocks de morue de près de 20 ans et augmenterait les captures totales de près de 30 %.
La séparation des effets de la pêche et du climat sur les stocks de poissons est difficile parce qu’il n’existe pas, en général, d’estimation de l’influence de l’environnement en absence d’exploitation. De même, on ne peut pas estimer les effets de la pêche en absence de fluctuations climatiques étant donné que le climat varie sans cesse.
Mais une équipe de recherche dirigée par des chercheurs du Laboratoire d’océanologie et de géosciences (CNRS/Université de Lille/Université du Littoral Côte d’Opale) a élaboré un nouveau modèle numérique permettant enfin d’éclairer cette question. En effet, leur modèle FishClim intègre à la fois des facteurs environnementaux contrôlés par les conditions climatiques (température, bathymétrie, quantité de nourriture disponible, etc.) et l’influence de l’intensité de la pêche. Celui-ci est opérationnel : il reproduit fidèlement l’évolution du stock de morues dans la Manche et en mer du Nord de 1963 à aujourd’hui, et permet de tester différents scénarios futurs.
Les résultats montrent tout d’abord que les effets climatiques et ceux liés à la pêche sont étroitement imbriqués. Ils interagissent en induisant des synergies ou des antagonismes, selon les périodes. Mais leur influence respective sur le stock de morues a varié dans le temps. De 1963 à 2019, le stock était affecté à hauteur de 55 % par l’exploitation et 45 % par le régime climatique, c’est-à-dire la température moyenne d’une période donnée. L’influence climatique a néanmoins considérablement augmenté aujourd’hui. Elle est de 64 % et selon FishClim, ce chiffre devrait encore s’amplifier dans les années à venir.
Autre enseignement de ces travaux : si le régime climatique persiste ou devient plus défavorable encore, de nombreux stocks de morues situés au centre et au sud de la mer du Nord disparaitront ; et ce quelques soient les quotas de pêche imposés. Cependant, FishClim montre qu’en adaptant la gestion de la pêche en fonction du climat, il serait possible de prolonger l’exploitation des stocks sur une période de plus de 20 ans et d’augmenter ainsi les captures cumulées de près de 30 %.
Ces résultats appellent à ne plus penser la gestion des stocks de pêche sans considérer les effets du changement climatique sur les espèces. L’équipe de recherche souhaite poursuivre ses travaux en adaptant FishClim à d’autres espèces de poissons, mais aussi en élargissant son travail sur la morue à l’ensemble de l’océan Atlantique.
Addressing the dichotomy of fishing and climate in fishery management with the FishClim model. Grégory Beaugrand, Alexis Balembois, Loïck Kléparski, et Richard R Kirby. Nature Communications Biology, le 9 novembre 2022. DOI:10.1038/s42003’022 -04100-6
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