
Les politiques de prix et les politiques d’affichage incitent-elles les consommateurs à des achats alimentaires plus sains - Le couplage de ces politiques les rend-il plus efficaces - Des chercheurs d’INRAE ont étudié les effets séparés de ces deux politiques sur la qualité nutritionnelle des paniers alimentaires. Par une étude expérimentale, ils montrent que les politiques de prix et d’affichage nutritionnel n’ont pas d’effets additifs. Une étude parue le 19 décembre dans la revue Journal of Economic Behaviour and Organization.
Pour inciter les consommateurs à acheter des produits plus favorables à leur santé, les pouvoirs publics utilisent notamment deux types d’outils incitatifs : l’information (l’affichage nutritionnel) et les prix (taxes et subventions). De nombreuses études ont mesuré l’efficacité de variantes de chacune de ces politiques prises séparément. Peu ont été menées sur l’efficacité de leur combinaison.
Des chercheurs d’INRAE, spécialistes en économie appliquée, ont testé la complémentarité de ces deux outils grâce à une méthode expérimentale impliquant 386 Grenoblois, représentatifs de la diversité de la population française. En naviguant dans une épicerie virtuelle, ces derniers devaient remplir deux fois leur panier alimentaire, en choisissant parmi 290 produits du commerce : une première fois sans politique et une deuxième fois avec l’une des politiques testées. Ainsi pouvaient être évalués les changements induits par ces outils incitatifs par rapport au premier panier de référence.
Trois politiques distinctes ont été comparées :
- Politique d’affichage seule, via le Nutri-Score.
- Politique de prix seule, avec une taxe de 10 % des produits D, de 20 % des produits E ; une subvention de 10 % des produits B et de 20 % des produits A.
Modalité 1 avec un prix explicite : le prix après politique est affiché à côté de l’ancien prix, qui est barré.
Modalité 2 avec un prix implicite : seul le prix avec politique est affiché.
- Combinaison des politiques de prix et d’affichage, le prix étant présenté de manière explicite
Modalité 1 : même modifications de prix que pour les politiques de prix seuls (10 % et 20 %)
Modalité 2 : faible modification de prix (plus ou moins 1 ou 2 centimes d’euros).
Les résultats de l’expérience montrent que le Nutri-Score seul a un effet positif sur la qualité nutritionnelle des produits achetés, supérieur à l’effet d’une politique de prix seule pour ces niveaux de taxe, la politique de prix explicite étant plus efficace qu’une modification de prix implicite. Pour évaluer la qualité nutritionnelle, les chercheurs utilisent le score FSA, compris entre -15 et 35, le chiffre le plus bas indiquant la meilleure qualité nutritionnelle. Un panier moyen a un score FSA de 3,1 sans politique alimentaire ; avec le Nutri-Score ce panier passe à un score de 0,97. En contraste, ce score passe d’une moyenne avant politique de 2,93 à 1,57 avec une politique de prix explicite.
En combinant le Nutri-Score à cette politique de prix, la qualité nutritionnelle des achats n’est pas significativement améliorée par rapport au Nutri-Score seul, même si la politique à forte modification est plus efficace que celle à faible modification des prix. Entre le premier panier et le deuxième, la différence de score est en moyenne de 3,23 avec la meilleure combinaison des deux politiques, contre 2,67 avec le Nutri-Score seul et 1,86 avec la meilleure politique de prix. Les effets de ces deux politiques ne sont donc pas additifs. Les consommateurs réagissent ici davantage à des messages normatifs qu’aux incitations monétaires assez significatives testées (10 à 20 %).
Peu d’effets sur les dépenses des ménages, quelle que soit la politique testée
Sur le plan économique, ces différentes politiques alimentaires impactent peu le budget alimentaire des ménages, même si on note que la politique normative du Nutri-Score seule a une incidence sur le prix par calorie du panier moyen (+0,22 ¤ /2 000 kcal achetées).
Qu’en est-il, enfin, du coût pour l’État de ces politiques - En extrapolant à une année les données quotidiennes obtenues, les chercheurs ont estimé le coût fiscal par foyer et par an des différentes modalités (dépenses publiques annuelles totales en subventions - gains fiscaux annuels totaux provenant des impôts). Tandis que pour le Nutri-Score, ce coût fiscal est de 0 ¤, il s’élève à 233 ¤ par foyer et par an avec une politique à forte modification de prix, voire à 279 ¤ quand cette politique de prix est combinée au Nutri-Score.
Référence
Crosetto P., Muller L., Ruffieux B. (2024). Label or taxes: why not both? Testing nutritional mixed policies in the lab. Journal of Economic Behaviour and Organization. DOI: https://doi.org/10.1016/j.jebo.2024.106825