Il est essentiel de suivre la biodiversité pour la gérer et la protéger, mais les chercheurs ont souvent du mal à la surveiller ou à la détecter en raison de la petite taille de certaines espèces, de leur nature insaisissable ou de leur inaccessibilité. La technologie est devenue un outil précieux pour identifier les espèces et étudier leur comportement. En effet, les chercheurs utilisent souvent des pièges-caméras, placés à des endroits stratégiques et activés par des capteurs de détection de mouvement déclenchés par la chaleur.
Ce type de système dépend toutefois de la proximité ou de la taille des animaux, ce qui signifie qu’il ne peut pas détecter d’autres organismes tels que les insectes (trop petits), les chauves-souris (trop rapides), les oiseaux (trop éloignés) ou les plantes (immobiles). En outre, comme le déclencheur n’est pas lié au contenu de l’image, des faux positifs peuvent se produire, par exemple si une branche tombe, ainsi que des faux négatifs, si la chaleur environnante est trop intense.
Une nouvelle technologie : la caméra de vision intégrée
Une équipe internationale de l’Université Westlake (Hangzhou, Chine) en collaboration avec l’INRAE a développé une caméra de vision embarquée capable d’analyser des images en continu et en temps réel.Dans ce système, la caméra exécute des algorithmes pour extraire des informations des images en direct en utilisant la reconnaissance des formes avec détection des mouvements et des objets, ce qui n’est pas possible avec les pièges à caméra.
Sur la base de cette technologie, l’équipe de recherche a conçu des caméras légères, étanches et alimentées par des piles, qui peuvent être déployées sur le terrain. La caméra peut être équipée de différents objectifs pour varier l’angle et se concentrer sur différents organismes. La batterie de l’appareil dure plusieurs jours, mais elle peut également être connectée à une batterie externe ou à de petits panneaux solaires.
Observer l’invisible : l’exemple de la pollinisation du durian
Pour démontrer l’efficacité de ce dispositif, les chercheurs l’ont testé dans 6 études de cas, à la fois dans des régions tempérées et tropicales de Chine. Ils ont pu détecter automatiquement des chauves-souris volantes et leurs insectes-proies, des insectes nuisibles nocturnes dans les rizières, des canards mandarins nageant, des abeilles pollinisant les fleurs de colza et des ½illets fleurissant au sol.L’exemple le plus emblématique est celui des chauves-souris frugivores qui pollinisent les fleurs de durian. Sur l’île de Hainan, dans le sud de la Chine, les chercheurs ont installé leur caméra de vision embarquée près d’un durian pendant la période de floraison. Bien que les chauves-souris frugivores soient connues pour leurs services de pollinisation, il n’y avait aucune preuve que cela se produisait dans cette partie du monde, ce qui a conduit à polliniser les fleurs à la main pour produire le "roi des fruits" de l’Asie du Sud-Est. La caméra a été installée pendant 12 nuits consécutives, ce qui a permis aux chercheurs d’obtenir 122 images de chauves-souris frugivores, dont 59 montraient le mammifère en train de polliniser des fleurs.
L’appareil a prouvé son efficacité dans un large éventail d’applications, allant des études comportementales à l’écologie du paysage et à l’agronomie. Il pourrait également être utile pour les parcs naturels, car il peut fonctionner sans alimentation électrique ni connexion internet. Une version commerciale du système a été développée, brevetée en Chine et disponible au niveau international. Une version imprimable en 3D en libre accès est disponible et en cours de développement par le chercheur de l’INRAE et sa nouvelle équipe de collaborateurs et partenaires en France.