Des médecins-chercheurs de Gustave Roussy, l’Université Paris-Sud, l’Inserm, CentraleSupélec et TheraPanacea (1) ont conçu et entrainé un algorithme qui est devenu capable d’analyser l’image scanner d’une tumeur afin de prédire l’efficacité d’une immunothérapie pour un patient atteint d’un cancer.
Une technique prometteuse
L’immunothérapie consiste à utiliser les défenses immunitaires de l’organisme pour qu’elles s’attaquent aux cellules cancéreuses et les détruisent. Ce nouveau type de traitement, bien que très prometteur, ne s’avère pour l’instant efficace que pour 15 à 30 % des patients. Jusqu’à présent, aucun marqueur ne permettait d’identifier de manière certaine les patients ayant le plus de chance de répondre de façon positive au traitement.On sait que plus l’environnement immunologique d’une tumeur est riche, notamment par la présence de lymphocytes qui sont chargés par le système immunitaire de détruire les cellules cancéreuses, plus l’immunothérapie a de chance d’être efficace. C’est donc cet environnement que les chercheurs ont cherché à estimer grâce à l’imagerie scanner.
L’algorithme qu’ils ont développé et entrainé à l’analyse des images de la tumeur leur a permis de créer une "signature" qui définit le niveau d’infiltration en lymphocyte d’une tumeur.
à terme, le médecin pourrait donc utiliser l’imagerie pour identifier des phénomènes biologiques d’une tumeur située dans n’importe quelle partie du corps sans avoir à réaliser de biopsie.
Une collaboration multi-disciplinaire
Dans cette étude rétrospective, la ’ signature dite radiomique’ (encadré) a été apprise, entrainée et validée sur 500 patients présentant une tumeur solide (toutes localisations) issus de quatre cohortes indépendantes. Elle a été validée au niveau génomique, histologique et clinique ce qui la rend particulièrement robuste.Dans une démarche basée sur le machine learning, les chercheurs ont d’abord appris à l’algorithme à exploiter les informations pertinentes extraites des scanners de patients inclus dans l’étude MOSCATO qui comportait aussi les données génomiques tumorales des patients. Ainsi, en se basant uniquement sur des images, l’algorithme a appris à prédire ce que la génomique aurait révélé de l’infiltrat immunitaire tumoral notamment par rapport à la présence de lymphocytes T cytotoxiques (CD8) dans la tumeur et a établi une signature radiomique.
Cette signature a été testée et validée dans d’autres cohortes dont celle du TCGA (The Cancer Genome Atlas) démontrant ainsi que l’imagerie pouvait prédire un phénomène biologique, à savoir évaluer l’infiltration immunitaire d’une tumeur.
Puis, pour tester la pertinence de cette signature en situation réelle et la corréler à la prédiction de l’efficacité de l’immunothérapie, elle a été évaluée à partir des scanners réalisés avant la mise sous traitement de patients inclus dans 5 essais d’immunothérapie anti-PD-1/PD-L1 de phase I. Les chercheurs ont montré que les patients chez qui l’immunothérapie fonctionnait après 3 et 6 mois présentaient un score radiomique plus élevé, tout comme ceux qui avaient une meilleure survie.
Une prochaine étude clinique consistera à évaluer la signature de manière rétrospective et prospective, d’augmenter le nombre de patients et de les segmenter par type de cancers pour affiner la signature.
Note :
1. spin-off de CentraleSupélec spécialisée en intelligence artificielle pour l’oncologie-radiothérapie et la médicine de précision
A propos de la radiomique
En radiomique, on considère que l’imagerie (scanner, IRM, échographie...) ne reflète pas seulement l’organisation et l’architecture des tissus mais aussi leur composition moléculaire ou cellulaire. Cette technique consiste à analyser de manière objective par des algorithmes une image médicale afin d’en extraire des informations invisibles à l’oeil nu comme la texture d’une tumeur, son microenvironnement, son hétérogénéité... C’est une approche non invasive pour le patient qui peut être répétée tout au long de la maladie pour suivre son évolution.
Références
Radiomics to assess tumor infiltrating CD8 T-cells and response to anti-PD-1/PD-L1
immunotherapy in cancer patients: an imaging biomarker multi-cohort study
Lancet Oncology, DOI : 10.1016/S1470-2045(18)30413-3
http://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(18)30413-3/fulltext