Les ossements d’un chat ont été trouvés à proximité de ceux d’un homme dans une sépulture mise au jour à Chypre et datée de 7500 à 7000 ans avant J.-C., lors de fouilles menées sous la direction de Jean Guilaine du Collège de France (1). Jean-Denis Vigne, directeur de recherche au CNRS (2), a montré qu’il s’agit de la plus ancienne preuve d’apprivoisement des chats, dont on admettait jusqu’à ce jour qu’ils auraient été domestiqués par les Egyptiens environ 2000 ans avant JC.
On considère habituellement que les débuts de la domestication du chat se sont déroulés en Egypte, les premiers indices indubitables datant d’environ 2000 ans av. J.-C.
A la fin des années 80, la découverte d’une mandibule de chat sur l’île de Chypre, à Khirokitia, dans des couches néolithiques datées de plus de 6000 ans av. J.-C., avait déjà suggéré que la domestication de cette espèce avait pu débuter plus tôt et ailleurs qu’en Egypte. En effet, la séparation de l’île de Chypre du continent et l’absence d’une espèce locale de félin à l’époque du néolithique impliquait nécessairement que les hommes du néolithique avaient volontairement introduit l’animal sur l’île.
La fouille du site chypriote de Shillourokambos, dirigée par Jean Guilaine sous l’égide du département des Antiquités de Chypre et de l’Ecole française d’Athènes, vient de livrer une sépulture dans laquelle homme et chat sont associés. Elle est datée de 7500 à 7000 av. J.-C. Non seulement elle est plus ancienne de près d’un millénaire que les premiers témoignages de la présence du chat à Chypre, mais elle ne laisse plus de doute sur l’existence d’une relation très forte entre l’homme et le chat dès cette époque, au moins sur le plan de la symbolique. Le chat enterré avec l’humain était âgé d’environ 8 mois et avait pratiquement atteint sa taille adulte. La morphologie du squelette indique une bête de grande taille, semblable aux chats sauvages actuels du Proche Orient. Les modifications morphologiques du squelette associées à la domestication ne sont pas encore visibles, ce qui justifie l’emploi du qualificatif « apprivoisé » plutôt que « domestique ». « Cette relation particulière entre les hommes et les chats pourrait avoir pris naissance au tout début de l’agriculture, les chats ayant été attirés dans les villages par les souris qui profitaient des stocks de grain » indique Jean-Denis Vigne.
Le corps de l’animal a été déposé entier dans une petite fosse située à une vingtaine de centimètres du mort. L’animal a pu être tué pour l’occasion. La tombe, particulièrement riche en offrandes par rapport aux autres sépultures connues pour cette période à Chypre suggère que l’individu avait un statut social particulier. De même, le chat inhumé avec le mort était sans doute un animal particulier, puisque d’autres restes de chat trouvés dans des couches contemporaines de Shillourokambos portent des traces évidentes de cuisson et de consommation.
Quoi qu’il en soit, cette sépulture témoigne de relations entre humains et chats au 8e millénaire av. J.-C., non limitées au profit matériel des hommes, mais impliquant aussi des liens spirituels forts, projetés dans l’au-delà.
Cette découverte particulièrement spectaculaire suggère que le chat était déjà engagé sur la voie de la domestication au Proche Orient dès le milieu du 8e millénaire av. J.-C., repoussant de plus de 5000 ans les premières relations connues entre l’homme et cet animal.
Jean-Denis Vigne a obtenu la Médaille d’argent du CNRS en 2002 pour l’ensemble de ses travaux qui ont porté entre autres sur la domestication de diverses espèces dans le bassin méditerranéen.
Notes :
1 : CNRS-EHESS, centre d’Anthropologie, Toulouse ; Collège de France, Chaire de civilisations de l’Europe au Néolithique et à l’Age de Bronze, Paris.
2 : CNRS-Museum national d’Histoire naturelle, Paris.
Références :
Early taming of the cat in Cyprus, J.-D. Vigne, J. Guilaine, K. Debue, L. Haye & P. Gérard. 9 avril 2004.