Le choc anaphylactique, réaction allergique exacerbée pouvant entrainer la mort, peut être causé notamment par l’usage de médicaments lors d’une opération chirurgicale. L’anaphylaxie est une réaction allergique hyper-aiguë. Elle est le résultat d’une réaction immunitaire inappropriée suite à l’introduction dans l’organisme d’un antigène habituellement inoffensif. La fixation de cet antigène à des anticorps préexistants dans l’organisme déclenche la sécrétion massive de puissants médiateurs vasodilatateurs, ce qui provoque un état de choc pouvant entrainer une défaillance de plusieurs organes, voire la mort.
Dans la plupart de ces réactions extrêmes, on peut constater chez les patients des signes d’activation cellulaire par des anticorps de type IgE. Cependant 10 à 20% des chocs anaphylactiques ne présentent aucun signe de l’activation de cette voie IgE-dépendante.
L’anaphylaxie peut être induite par de nombreuses substances : les médicaments (antibiotiques, curares), les aliments, ou encore les venins d’insectes. Dans cette étude, les scientifiques se sont concentrés sur les réactions allergiques aux curares, médicaments utilisés durant les anesthésies générales pour provoquer un relâchement musculaire. La fréquence d’apparition de choc anaphylactique aux curares est d’un cas pour 10 000 à 20 000 opérations, ce qui représente environ 3 à 5 chocs par semaine sur la région parisienne.
Le rôle inattendu des anticorps IgG
S’il était déjà connu que les anticorps IgE pouvaient déclencher l’anaphylaxie, des équipes de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de l’AP-HP, du CNRS, de l’université Paris-Sud et de Sorbonne université, ont montré dans une étude clinique que les anticorps IgG peuvent aussi être impliqués dans certains chocs anaphylactiques.Cette étude multicentrique appelée ’ NASA ’ a été réalisée depuis 2012 par un consortium de chercheurs, biologistes médicaux et médecins anesthésistes et portée par l’hôpital Bichat APHP.
Le consortium a suivi 86 patients ayant présenté un choc anaphylactique péri-opératoire et 86 témoins, dans 11 hôpitaux d’Ile-de-France sous la coordination à l’hôpital Bichat AP-HP du Pr Sylvie Chollet-Martin (Faculté de Pharmacie de l’Université Paris-Sud), immunologiste, et du Pr Dan Longrois, anesthésiste. Des prélèvements sanguins ont été effectués au moment de l’apparition du choc anaphylactique au bloc opératoire, qui ont permis d’identifier ce mécanisme alternatif, dépendant des IgG.
Les chercheurs ont en particulier démontré que les anticorps IgG activent les neutrophiles (70-80% de nos globules blancs) qui libèrent des médiateurs vasodilatateurs néfastes à forte dose. Cette activation des neutrophiles était plus importante au cours des chocs sévères qu’au cours des chocs d’intensité modérée. De manière intéressante, l’implication de la voie IgG-neutrophiles était également évidente dans des chocs où le mécanisme classique IgE-dépendant était observé, suggérant que les IgG et les neutrophiles pourraient contribuer à la sévérité de la majorité des chocs, par un effet additif.
’ Ces résultats permettent d’élucider 10 à 20% des chocs anaphylactiques qui étaient jusqu’à présent sans explication biologique. Ils seront d’une aide précieuse pour affiner le diagnostic de ces patients, et pour éviter à l’avenir de nouveaux contacts avec le médicament qui a été à l’origine de la réaction allergique ’ explique le Pr Sylvie Chollet-Martin (Faculté de Pharmacie de l’Université Paris-Sud), co-auteure de l’étude et responsable du laboratoire d’Immunologie ’ Auto-immunité et Hypersensibilités ’ à l’Hôpital Bichat AP-HP.
An IgG-induced neutrophil activation pathway during human drug-induced anaphylaxis, Science Translational Medicine, 10 juillet 2019 Ces travaux ont été financés par les organismes impliqués dans le consortium, ainsi que par l’European Research Council (ERC - FP7 ; projet MyeloSHOCK).