Un nuage d’eau cosmique révèle la température de l’Univers jeune

Trois des douze antennes du radiotélescope Noema. © A. Rambaud/Iram
Trois des douze antennes du radiotélescope Noema. © A. Rambaud/Iram

Une nouvelle méthode a permis de mesurer la température du fond diffus cosmologique, moins d’un milliard d’années après le Big Bang.

La prouesse a été réalisée grâce à Noema, le radiotélescope millimétrique le plus puissant de l’hémisphère Nord, installé dans les Alpes françaises.

Une équipe de recherche internationale a découvert une nouvelle méthode pour mesurer la température du fond diffus cosmologique, moins d’un milliard d’années après le Big Bang. Grâce au radiotélescope Noema 1 de l’Iram 2 , les astronomes, parmi lesquels un chercheur du CNRS, ont utilisé un nuage de vapeur d’eau pour révéler l’état de l’Univers à ses débuts. Leurs résultats confirment qu’il s’est très vite refroidi et ouvrent de nouvelles perspectives pour l’étude de l’insaisissable énergie sombre. Ils sont publiés le 2 février 2022 dans la revue Nature.

La température du rayonnement du fond diffus cosmologique - une relique de l’énergie libérée par le Big Bang - a pour la première fois été mesurée à une époque très précoce de l’Univers, 880 millions d’années seulement après sa formation. La prouesse a été réalisée par un groupe international d’astrophysiciens en observant avec Noema une galaxie massive à flambée d’étoiles, HFLS3, qui était active à cette époque cosmique.

Ils ont découvert qu’un nuage de vapeur d’eau froide dans HFLS3 projetait une « ombre » sur le rayonnement du fond cosmique. Cette ombre apparaît parce que la vapeur d’eau absorbe le rayonnement plus chaud du fond diffus cosmologique sur son chemin vers la Terre ; son degré d’obscurité révèle la différence de température. Comme la température de l’eau peut être déterminée à partir d’autres propriétés, la différence indique que la température du rayonnement relique du Big Bang était à l’époque environ sept fois plus élevée que dans l’Univers actuel.

Le modèle cosmologique dominant suppose que l’Univers s’est refroidi depuis le Big Bang, et qu’il continue de le faire. Mais jusqu’à présent, ce refroidissement n’a été directement confirmé que pour des époques cosmiques relativement récentes. Alors que l’Univers actuel baigne dans un rayonnement cosmique d’une température de 2,7 Kelvin (-270,45 °C), cette température était de l’ordre de 20 K (-253,1 °C) moins d’un milliard d’années après le Big Bang. Toute la matière cosmique y était alors exposée, ce qui implique que des processus tels que l’évolution des galaxies devaient être très différents d’aujourd’hui.

Ces résultats pourraient également avoir des implications directes sur la nature de l’insaisissable énergie sombre. Les scientifiques pensent que l’énergie sombre est responsable de l’expansion accélérée de l’Univers au cours des derniers milliards d’années, mais ses propriétés restent mal comprises car elle ne peut pas être observée directement. Mais celles-ci influencent l’évolution de l’expansion cosmique, et donc le taux de refroidissement de l’Univers. Mesurer avec précision la température du fonds cosmique à travers l’histoire de l’Univers permettra, en comparant les résultats obtenus avec les prédictions du modèle du Big Bang, de tracer et de contraindre les effets de l’énergie sombre.

L’équipe de recherche se propose de sonder d’autres nuages de vapeur d’eau froide dans des galaxies lointaines permettant de mesurer à travers l’histoire cosmique le refroidissement de l’Univers grâce à cette nouvelle méthode et ainsi de continuer à explorer les jeunes années du cosmos et de mieux comprendre l’énergie sombre.

Noema est le radiotélescope le plus puissant de l’hémisphère Nord, installé dans les Alpes françaises et opéré par l’Institut de radioastronomie millimétrique (Iram), fondé en 1979 par le CNRS et la Max-Planck-Gesellschaft (MPG, Allemagne), et au sein duquel l’Instituto Geográfico Nacional (IGN, Espagne) est le 3ème partenaire depuis 1990.

D’autres images du radiotélescope Noema sont disponibles sur demande.